mardi 27 octobre 2015

Le fou au regard sombre


L'homme attendait, adossé au mur. La tête baissée, un chapeau haut de forme posé sur ses cheveux hirsutes, son aura dégageait une impression de volonté froide et implacable qui suscitait dès le premier coup d’œil un malaise viscérale chez les passants. Enveloppé dans un long manteau noir qui cachait sa silhouette frêle, il ne laissait apparaître que sa main rugueuse parcourue de grosses veines d'un violet fané reposant sur une canne en bois à tête de serpent en guise de pommeau. Soudain, des pas légers sur le pavé humide attirèrent son attention et il releva la tête dans une lenteur exécrable pourtant bien calculée. Un rictus inquiétant se dessina sur son visage livide lorsqu'il vit l'origine de ces bruits. Sa figure émaciée maintenant à découvert rendait visible les deux puits sans fond qui lui servaient d'yeux et dans lesquels on apercevait une lueur sournoise, de la méchanceté à état pur. Aussi, l'enfant, en entrant dans cet univers malsain, s'arrêta, prit de peur. Le vieillard aux muscles noueux, lui, se décolla de son appui pour s'approcher dans un silence de mort. Le petit se rappela alors de la réputation de l'inconnu en frémissant. Partout, on disait qu'il était sombre, imprévisible, fou. On racontait que son esprit vicieux cherchait par tous les moyens à répandre la souffrance, que ce n'était qu'alors qu'il était satisfait de sa journée. Horrifié par ses souvenirs, le marmot n'y tint plus et s'enfuit à toutes jambes, laissant cette vision cauchemardesque derrière lui.

vendredi 9 octobre 2015

Conscience


Sauterelle ?! Moi ?! Espèce de petit mufle ! Vous feriez mieux 
d'écouter votre propre sauterelle...enfin je veux dire votre 
conscience, si vous en avez une !
Jiminy Criquet

Il paraît que lorsqu'on se parle à soit même, on est fou. Alors si j'entends une petite voix résonner dans ma tête, doit-on m'enfermer ? 

Parfois, je m'engage dans une sorte de dialogue interne très agité. C'est à dire que j'ai plusieurs voix qui braillent, s'embrouillent, crient les unes par dessus les autres pour se faire entendre, avec chacune leurs propres idées bien distinctes; et celle du lot qui sera la bonne. Vu que j'ai 15 ans d'expérience dans le domaine, je pense pouvoir dire que je n'arrive même pas à être d'accord avec moi-même, alors comment voulez-vous que je sois d'accord avec les autres ? 

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"Il était une fois une petite fille nommée Automne. Un jour, décidée à faire comme sa mère lorsqu'elle s'occupait d'elle, la jolie brunette partit chercher une baignoire pour poupons dans le grenier et la ramena dans sa chambre, toute fébrile à l'idée de pouvoir enfin décrasser ses peluches. Pleine de bonnes intentions, elle s'en alla ensuite remplir le joli récipient bleu transparent d'eau du lavabo, peinant à atteindre le robinet, penchée au-dessus de la surface d'un blanc nacré en équilibre précaire sur la pointe de ses petits pieds potelés. Puis, décidant pour le bien de sa mission que prendre le savon pour les mains en même temps et le plonger directement sous le liquide n'était pas un problème, l'enfant créa un mini cratère en enfonçant ses doigts dodus en même temps que le rectangle à l'odeur de vanille. Ensuite, ayant ramené le tout sur sa moquette, elle partit chercher une de ses peluches les plus chères, partant du principe que comme c'était elle qu'elle aimait le plus, il fallait le lui montrer d'une certaine manière. Pourtant, alors qu'elle brandissait son lapin au-dessus de la bassine, le retenant par l'oreille droite, une minuscule voix, toute aiguë, lui vrilla les tympans :
- Non, ne fais pas ça ! Ce n'est pas bien !
Affolée, la fillette recula et, dans la panique, failli tomber tête la première dans l'eau.
- Qu.. Qui es-tu ?
Essayant tant bien que mal de maîtriser sa peur, Automne attendait une réponse en s'accrochant à sa peluche comme si, perdue en pleine mer, celle-ci était sa bouée de sauvetage.
- Je suis Conscience. Ta conscience.
Mais la réponse tant attendue et pourtant si redoutée fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase et, hurlant de peur, l'enfant se rua dans les escaliers pour s'accrocher à la jambe de sa mère, en pleurs.
- Et bien, ça ne va pas ? Lui demanda celle-ci en lui caressant les cheveux, rassurante.
- "Ta conscience" m'a parlé.. geignit la petite brune, encore toute secouée, avant de fourrer l'oreille de son doudou dans sa bouche et de la mordiller, jugeant apparemment cette solution plus efficace que maman."